Pourquoi Vassula ne se fait-elle pas Catholique ?

Lucien Lombard, 13 octobre 1993

 

Récemment, à propos de Vassula, un de mes amis m'a fait en substance l'objection suivante :

" Tout ce qu'elle écrit, c'est bien beau mais pourquoi alors ne se fait-elle pas catholique ? Comment peut-elle nous tenir de tels sermons tout en restant dans son Eglise orthodoxe ? "

En fait, de nombreux catholiques sont portés à considérer que tant que Vassula ne demande pas officiellement son admission dans l'Eglise catholique, sa situation leur semble incohérente. En somme, ce qui conviendrait pour qu'elle leur prouve sa bonne foi, c'est qu'elle répudie clairement son Eglise et que, selon l'expression en usage, elle se fasse catholique.

En effet, une telle exigence vis-à-vis de Vassula serait compréhensible et même tout-à-fait légitime si Vassula était adepte d'une Eglise, d'une communauté ou d'une secte dont la doctrine de la foi s'oppose directement et expressément à celle de notre Eglise Catholique romaine, comme c'est le cas, par exemple, des Eglises réformées, qui se nomment elles-mêmes "protestantes", dont la raison d'être consiste donc précisément à nier, à protester contre plusieurs importants dogmes de la foi catholique romaine.

Mais voilà, Vassula n'est pas protestante mais bien orthodoxe et, aux yeux du Magistère de l'Eglise catholique, cela constitue une différence fondamentale, cela change tout.

Cela change tout parce que :

1) Depuis leur rencontre historique en janvier 1964, le pape Paul VI et le patriarche de Constantinople Athénagoras ont levé les excommunications réciproques des fidèles des Eglises catholique et orthodoxe et ont convenu de renoncer à toute forme de prosélytisme. Cet engagement de renoncement à tout prosélytisme a trouvé encore tout récemment une vigoureuse confirmation dans la déclaration de la Commission mixte internationale pour le dialogue théologique entre l'Eglise catholique et l'Eglise orthodoxe diffusée le 23 juin 1993 lors de sa septième session plénière, tenue à Balamand, au Liban:

" L'action pastorale de l'Eglise catholique tant latine qu'orientale ne tend plus à faire passer les fidèles d'une Eglise à l'autre, c'est-à-dire ne vise plus au prosélytisme parmi les orthodoxes" (§ 22), " [...] excluant pour l'avenir tout prosélytisme des catholiques aux dépens de l'Eglise orthodoxe " (§ 35).

Or, demander de Vassula, afin qu'elle prouve sa bonne foi, qu'elle répudie sa communauté orthodoxe pour - selon l'expression en usage - se faire catholique, constitue ni plus ni moins de la part de celui qui formule cette demande, une pure et simple tentative de prosélytisme...

2) Selon le décret sur l'Oecuménisme Unitatis Redintegratio promulgué le 21 novembre 1964 par le Concile Vatican II, les Eglises orthodoxes "bien que séparées, ont de vrais sacrements, surtout en vertu de la succession apostolique : le Sacerdoce et l'Eucharistie, qui les unissent intimement à nous" ; "chacun sait avec quel amour les chrétiens orientaux célèbrent la Sainte liturgie, surtout l'Eucharistie". Le Concile Vatican II nous dit encore que "tout le monde doit savoir qu'il est très important de connaître, vénérer, conserver, développer le si riche patrimoine liturgique et spirituel de l'Orient pour conserver fidèlement la plénitude de la tradition chrétienne, et pour réaliser la réconciliation des Chrétiens orientaux et occidentaux" (Unitatis Redintegratio 15). "Il ne faut pas non plus oublier que les Eglises d'Orient possèdent depuis leur origine un trésor auquel l'Eglise d'Occident a puisé beaucoup d'éléments de la liturgie, de la tradition spirituelle et du droit" (Unitatis Redintegratio 14).

Sur le plan de la doctrine sur l'Eucharistie, en particulier la foi en la présence réelle et permanente dans l'Eucharistie, sur le plan de la foi en Marie, Très Sainte Mère de Dieu et toujours Vierge, l'Eglise orthodoxe professe la même foi que notre Eglise catholique, et quant au caractère particulier des Orientaux au regard des questions doctrinales, le Concile Vatican II nous parle de "légitime diversité en matière de culte", et nous dit que "quand il s'agit d'approfondir la vérité révélée, les méthodes et les moyens de connaître et d'exprimer les choses divines, ne sont pas les mêmes en Orient et en Occident", et qu'il "n'est donc pas étonnant que certains aspects du mystère révélé aient été parfois mieux saisis et mieux exposés par l'un que par l'autre, si bien que l'on doit considérer ces diverses formules théologiques souvent plus complémentaires qu'opposées" (Concile Vatican II, Unitatis Redintegratio 17).

3) Le nouveau code de Droit canonique promulgué en 1983 par le Pape Jean-Paul II nous dit ceci : "Tout baptisé qui n'en est pas empêché par le droit peut et doit être admis à la sainte communion" (Can. 912).

Le Droit canonique ne dit pas "tout catholique", mais bien "tout baptisé". Et quant aux orthodoxes, il va encore plus loin, en leur donnant expressément et explicitement le droit d'être admis à la Sainte communion :

"Les ministres catholiques administrent licitement les sacrements de pénitence, d'Eucharistie et d'onction des malades aux membres des Eglises orientales qui n'ont pas la pleine communion avec l'Eglise catholique, s'ils le demandent de leur plein gré et s'ils sont dûment disposés" (Can. 844.3).

Cette disposition qui vise les seuls fidèles orthodoxes vient de nous être encore récemment confirmée par le Directoire pour l'application des principes et des normes sur l'oecuménisme - "Pontificium consilium ad christianorum unitatem fovendam" promulgué et publié par Jean-Paul II le 25 mars 1993 :

"Les ministres catholiques peuvent licitement administrer les sacrements de pénitence, d'Eucharistie et d'onction des malades aux membres des Eglises orientales qui le demandent de leur propre initiative et qui ont les dispositions requises" (L'Osservatore Romano en langue française N° 2268, 15 juin 1993).

Les fidèles orthodoxes (à titre individuel) ne sont donc nullement concernés par les restrictions relatives à l'inter-communion, parce que, dans leur cas, il ne s'agit pas d'inter-communion, mais de communion tout court, puisqu'ils y ont plein droit, considérés par nous comme étant validement catholiques.

Pourquoi l'Eglise catholique a-t-elle promulgué de telles normes ? Parce qu'au contraire des Eglises issues de la Réforme, les Eglises orthodoxes ne se sont pas constituées précisément autour d'un rejet volontaire de certains points de la Doctrine de la Foi et de la Tradition catholiques ; contrairement aux Eglises réformées, les Eglises orientales ne sont pas une création relativement récente dans l'histoire de l'Eglise, dans le but de proposer, d'être une alternative à l'enseignement Catholique romain. Les Eglises orthodoxes sont tout simplement des Eglises locales "dont plusieurs se glorifient d'avoir été fondées par les Apôtres eux-mêmes" (Unitatis Redintegratio 14).

4) L'Eglise Orthodoxe n'a jamais nié la primauté du Siège de Pierre. Par contre, elle n'en admet pas (encore) la juridiction. Pour réaliser l'Unité, l'Eglise orthodoxe n'a pas à renier la Doctrine de sa Foi, puisque cette Foi est la même que la nôtre ; pour réaliser l'Unité, il faut et il suffit que les têtes de la hiérarchie orthodoxe s'inclinent et acceptent l'autorité universelle du successeur de Pierre.

Quant aux fidèles orthodoxes, il leur suffit d'attendre paisiblement cette acceptation du pape par la hiérarchie de l'Eglise orthodoxe, en restant fidèles à leur Eglise, puisque tels qu'ils sont, l'Eglise catholique les admet d'ores et déjà à ses propres sacrements. L'Eglise catholique admet donc leur situation et s'est même engagée à ne pas recourir au prosélytisme à leur égard, c'est-à-dire à ne pas leur demander d'en changer. Ils n'ont donc pas à renier quoi que ce soit de leur situation, pas plus qu'en Suisse romande, pour être admis à participer à nos messes dominicales en français, il n'est demandé aux catholiques de langue allemande ou italienne de renier quoi que ce soit. Parce que grecque, pour être admise dans notre Eglise catholique romaine, il faudrait que Vassula renie sa communauté grecque ? Pourquoi priverions-nous Vassula des droits que nous avons d'ores et déjà accordés à tout fidèle orthodoxe, même s'il ne démontre pas sa fidélité au Pape ?

5) Qui peut le plus peut le moins. Si l'Eglise catholique admet expressément à ses sacrements - c'est-à-dire admet de facto comme catholique - tout membre individuel des Eglises orientales, même de celles des Eglises orientales "qui n'ont pas la pleine communion avec l'Eglise catholique", à plus forte raison, il y a lieu de considérer comme pleinement et entièrement catholique tout membre d'une de ces églises dès lors qu'il professe publiquement, comme le fait avec tant de vigueur et de persuasion Vassula, sa fidélité et son attachement à la Doctrine de la Foi Catholique romaine et au successeur de Pierre, Vicaire du Christ, "qui actuellement est Jean-Paul II" *.

Dans ses réunions de prière, Vassula fait prier le Veni Creator Spiritus, amenant ainsi les fidèles (orthodoxes comme catholiques) à proclamer en s'adressant à l'Esprit-Saint :

"Qu'il nous soit donné par Toi
de connaître le Père,
comme aussi le Fils,
et Toi, ô Saint-Esprit
qui procède de l'un et de l'autre,
fais que nous ayons toujours
foi et confiance en Toi".

Que peut-on demander de plus à Vassula ? Même si elle ne faisait pas les vibrantes professions publiques de foi catholiques que l'on peut lire sous sa plume ou entendre à ses réunions, les dispositions du nouveau Droit canonique romain font déjà d'elle, du simple fait qu'elle est orthodoxe, une catholique de facto, ayant droit aux sacrements de l'Eglise catholique romaine, ce qui rend donc inutile et obsolète - en plus d'être contraire aux accords anti-prosélytiques - un prétendu "passage officiel" de l'Eglise orthodoxe à l'Eglise catholique, "passage" qui n'a donc pas la moindre raison d'être.

Lucien Lombard
13 octobre 1993

Publié dans Chrétiens-Magazine n°64 – 15 octobre 1993

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 * Message du 3.12.88 : N'écoutez pas ceux qui s'opposent à Pierre, ce Pierre-de-Mes-Agneaux qui à présent est Jean-Paul II... car il a été choisi par Moi et il est le bien-aimé de Mon Ame ; n'écoutez pas ceux qui le condamnent, ils ont été égarés.